jeudi 25 septembre 2008

El Registrador

2 Où les choses se compliquent.

En désespoir de cause nous nous précipitâmes alors dès le lendemain chez l’ex-notaire de nos ex-compatriotes dans l’espoir que celui-ci pourrait nous délivrer des griffes de El Registrador en produisant comme par miracle une copie de ces foutus passeports. Autre désillusion, tous les documents se référant à cette année avaient déjà été éliminés. Nous repartîmes penauds et complètement anéantis par une dissertation sur les mystères de la loi péruvienne en matière de transaction de véhicule.

Au fil du temps El Registrador était devenu pour nous comme une sorte de grand Inquisiteur, ayant le pouvoir absolu et arbitraire de déterminer si nous pouvions ou non posséder un carro. La nuit il hantait mes rêves sous la forme d’un juge sévère et sourcilleux ; je me débattais dans des couloirs infinis, aux prises avec des procédures incompréhensibles dignes de K.

Notre seul espoir résidait dans l’Ambassade. Nous nous y rendîmes tremblants à l’idée d’un refus, car c’était là notre dernière cartouche, et nous le savions. Nos compatriotes avaient disparu vers de nouvelles aventures planétaires, le notaire nous fuyait comme la peste, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Mais cette fois-ci le vent semblait avoir tourné, une secrétaire d’une efficacité redoutable nous rédigea en quelques minutes un document surréaliste mais hautement officiel prouvant que nos compatriotes étaient bien nos compatriotes, et muni de ce précieux papier nous partîmes en direction de la demeure de El Registrador, plein d’inquiétude à l’idée de le rencontrer personnellement, mais convaincus de la nécessité de le faire pour clarifier ce long malentendu et apaiser ainsi sa colère divine en donnant preuve de notre bonne volonté. Il restait deux semaines avant la date limite.

vendredi 19 septembre 2008

El Registrador

1. Où le problème surgit.

Afin d’être à la hauteur de notre statut royal, et de façon plus pragmatique, afin de pouvoir contrôler à tout instant les recoins les plus reculés et terriblement lointains de notre nouveau royaume nous décidâmes très vite d’acheter un carro, qu’il ne serait pas faux, vu les proportions du véhicule, de traduire par char.

Comme dans un conte de fée, tout se déroula à merveille, au début. Une famille de concitoyens sur le point de prendre le chemin du retour vers notre contrée natale nous fournit l’occasion de concrétiser notre désir. Le carro était certes un peu grand, mais maintenant nous avions décidé de voir les choses en grand, il ferait donc l’affaire.

Les premières démarches résultèrent d’une simplicité enfantine. Eux, nous, un notaire, et quelques papiers plus loin je me retrouvai à la guide du carro en question. Le tout avait duré environ 20 minutes. Décidément cette contrée ne cessait de nous surprendre, et nous partîmes, moi fier comme tout au volant, ma noble épouse rayonnante à mes côtés et nos descendants confortablement installés à l’arrière, pour une parade triomphale à travers les voies engorgées de la bonne ville de Lima.

Tout était trop beau, et par un matin de juillet un personnage qui allait prendre une importance considérable fit son entrée fracassante dans notre vie : El Registrador. Je découvris en effet en me rendant chez le notaire quelques semaines plus tard pour retirer les papiers définitifs du carro que celui-ci n’avait pas validé la transaction. Motif invoqué : les compatriotes qui nous avaient vendu le carro avaient acheté le même carro avec des documents d’identité (passeports) différents de ceux avec lesquels ils avaient effectué la vente (cartes d’identité péruviennes). El Registrador pubblico demandait donc la présentation des mêmes documents (passeports) afin de vérifier que ces personnes étaient bien elles-mêmes, tout le monde suit ? Pour ceux qui ont des difficultés je vous renvoie à l’exemple ci-dessous.[1]

Nous étions alors le 25 juillet, l’échéance était fixée au 25 septembre ; somme toute la solution ne semblait pas très compliquée : récupérer et produire les mêmes documents ; l’affaire me semblait plutôt simple à résoudre. Là encore, comme souvent, je me trompais.

Il fallut tout d’abord se mettre en contact avec nos compatriotes entre temps rentrés au pays, dans une contrée les plus reculées possibles où aucun moyen de communication moderne n’était en mesure de déranger leur long repos. Après des tentatives répétées et de plus en plus insistantes, un mois plus tard nous parvinrent finalement les tant attendues copies de leur passeport. Je me ruai chez le notaire qui à ma grande surprise ne partagea pas mon enthousiasme : en effet, nos compatriotes – qui commençaient à le devenir de moins en moins – avaient changé de passeport entre le moment de l’achat et le moment de la vente, les numéros de passeport ne correspondaient donc plus…

Par bonheur le notaire connaissait la parade miracle : se rendre chez son collègue qui avait enregistré la vente en son temps et se faire remettre ces satanées copies de passeport. Cependant nous décidâmes comme deux comploteurs de remettre à plus tard cette possibilité et de tenter quand même le coup avec ces copies, après tout El Registrador n’était peut-être pas infaillible. Peine perdue, une semaine plus tard la réponse fatale tombait, et le temps imparti pour résoudre ce qui devenait une mission impossible s’écoulait.

[1] Pierre possède un passeport qui prouve qu’il s’appelle bien Pierre.
Malencontreusement Pierre possède aussi une carte d’identité qui indique également qu’il s’appelle Pierre.
Pour El Registrador Pierre n’est pas Pierre puisque la carte d’identité n’est pas un passeport.

jeudi 11 septembre 2008

Le sauveur de la patrie

Le Pérou est un pays confronté à de sérieux problèmes : pauvreté, inflation croissante, délinquance juvénile, inégalités sociales, pollution…

Mais aujourd’hui le Pérou est heureux car il a un sauveur, quelqu’un qui ne le laissera jamais seul, et qui viendra, à tous moments redonner le sourire à un peuple entier.

Ce héros s’appelle Juan Manuel Vargas, défenseur latéral gauche de l’équipe nationale de football.


lundi 8 septembre 2008

Zanahoria

Franchement ça me semble bien compliqué pour dire carotte.

samedi 6 septembre 2008

Zona segura...?


Comme les drapeaux péruviens, cela aussi on le rencontre partout en ville, mais à l'intérieur des bâtiments cette fois-ci. Si jamais ça devait arriver, pensez à vous réfugier ici, ce n'est pas d'une grande utilité, il n'y a aucune garantie, mais ça peut réconforter et on se sentira moins seuls.

mercredi 3 septembre 2008

Nunca

Jamais. C’est exactement le genre de mot qui me fait sentir complètement hidalgo quand je le prononce… et même un petit peu Julio Iglesias je dois dire.

Une hirondelle ne fait pas le printemps

Dans notre stratégie de colonisation lente, je devais emmener Ze King et Principessa à Lima au printemps pour qu’ils prennent possession de leur nouveau domaine. J’allais moi-aussi découvrir le nouveau monde où je n’avais jamais mis pied et je partai la tête pleine d’images bariolées et criardes sur les peuplades que je m’apprêtais à y rencontrer à mon arrivée. Conversations animées, rythmes fous et entraînants à plein volume, frénésie tempérée d’indolence palpable partout…Et notre premier voyage sembla confirmer en effet ce fantasme latino.


Après notre installation dans l’avion, alors que nous attendions sagement le décollage, deux passagers firent irruption à la dernière minute, visiblement essoufflés par une course désordonnée et s’affalèrent sur les fauteuils restés miraculeusement libres jusqu’à maintenant et que nous nous apprêtions à investir. Il s’agissait d’un homme assez fort et d’une femme, tous deux sur la cinquantaine. Aussitôt ils se mirent à parler comme s’ils étaient chacun à un bout de l’avion, utilisant un volume sonore assez impressionnant. Complètement indifférents aux procédures de décollage en cours – moment qui se déroule en général dans un silence recueilli - ils continuaient une conversation entamée ailleurs, bien avant leur arrivée parmi nous. L’homme était particulièrement agité, j’en déduisais qu’il avait dû rencontrer des problèmes dont j’avais du mal à déterminer la nature. La femme compatissait bruyamment. Je mettais cette façon décomplexée de converser sur le compte des mœurs nouvelles que nous allions découvrir.


Quelques temps après le décollage, l’homme qui n’avait cessé un instant de brayer et de gesticuler, de plus en plus emporté par son récit visiblement plein de rebondissements infinis, commença sans doute à avoir la gorge sèche. Il sortit donc d’un sachet de duty free une bouteille de Chivas Regal dont il se versa une rasade qui aurait enivré n’importe quelle personne normalement constituée, mais qui sur lui ne fit aucun effet. Il continua ainsi en compagnie de sa voisine, qui se révéla plus tard être sa sœur, jusqu’à ce que la bouteille fut vide. J’avais du mal à expliquer son comportement à Ze King et Principessa qui s’interrogeaient tout autant que moi, la seule justification plausible me semblait les excès bien connus des peuplades à l’encontre desquelles nous nous dirigions.


Entre temps une hôtesse approchait avec un chariot chargé de boissons. La bouteille étant presque vide je craignais le pire mais lorsqu’elle arriva à sa hauteur et lui demanda courtoisement quelle consommation il souhaitait notre homme la regarda éberlué et lui répéta plusieurs fois comme si c’était une évidence : AGUA, AGUA !!


Sous l’effet de l’alcool descendu à plein verre, l’homme commença ensuite à sentir chaud. Il avait déjà ôté un pull alors que j’étais à la recherche de couvertures supplémentaires pour tenter de lutter contre l’air conditionné, mais ce n’était pas suffisant, car à l‘occasion d’un de ses nombreux voyages mouvementés vers les toilettes, il revint torse nu. L’obscurité dans laquelle était maintenant plongé l’avion n’entraînait en rien sa discrétion et son comportement me fascinait au même titre que le calme et la patience démontrés par les autres passagers, indifférents en apparence aux élucubrations de cet histrion. Voilà des scènes avec lesquelles il faudra se familiariser pensai-je.


Finalement il s’endormit au milieu de ronflements titanesques et de soubresauts violents qui obligeaient sa malheureuse compagne de voyage à se protéger de coups qui soudainement venaient la frapper. Occupant les deux fauteuils, il la contraignait à se recroqueviller sur un coin d’accoudoir, chose sans doute fort inconfortable étant donné sa corpulence.


Le vol se déroula par la suite normalement, dans le calme le plus absolu, les autres passagers, à l’inverse de notre voisin étaient bien peu extravertis et d’une discrétion contrastante.


Au réveil il avait piétiné le sac à main de sa sœur et tournait un œil hagard au milieu d’un fouillis de papiers qui jonchaient le sol. La femme ramassait péniblement les objets éparpillés sous les fauteuils, lui tendant de temps à autre un vêtement froissé. Les passagers faisaient comme si de rien n’était et j’adoptais donc la même attitude, après tout, c’était à nous de nous adapter à ces comportements si hauts en couleur.


Si je raconte cet épisode c’est justement car il est à l’opposé du caractère modéré et du comportement presque impassible que je constate chez les habitants de Lima et les Péruviens en général. Les clichés sur la spontanéité des latino-américains m’avaient aveuglé, cet avion était plein de Péruviens mais je ne les voyais pas, car le seul Péruvien selon mes critères stéréotypés, c’était lui.


En descendant de l’avion, Ze King ramassa un dernier papier qui traînait sous un fauteuil, il s’agissait d’une photocopie d’une déclaration de vol à l’encontre d’un certain Cortez, résidant à Lima, de nationalité mexicaine…


Mais depuis j’ai appris à me méfier des idées reçues.

lundi 1 septembre 2008

Découvrir Lima

Quel rapport me direz-vous? Ouvrez votre moteur de recherches sur internet et essayez donc de trouver des images de Lima comme je l’ai fait dès que nous avons connu notre nouvelle destination. Voici très probablement les premières impressions de la ville que vous aurez.

Ya

A première vue cela semble de l’allemand, en réalité c’est bien de l’espagnol. On repère très vite l’omniprésence de ce petit mot dans les conversations péruviennes. Il marque toute forme d’approbation ou de consentement de la part de l’interlocuteur et pourrait se traduire par : oui, d’accord , j’ai compris, OK, ça marche…, mais semble aussi vouloir dire : bon, bien, mouais, si tu le dis… . Bref, il assume toute une gamme de nuances que je m'efforce d' interpréter selon les circonstances.
Principessa quant à elle le manie déjà avec une nonchalance déconcertante.