samedi 25 octobre 2008

Morado

La couleur mauve. C’est la couleur du mois d’octobre à Lima, rien à voir avec une quelconque poétique des saisons à bon marché. Comme souvent ici, les choses sont bien plus compliquées qu’elles n‘en ont l’air. Comme dans une fresque historique baroque à la Umberto Eco cette affaire mêle esclaves angolais, tremblements de terre et congrégations religieuses. Et le Señor de los Milagros: le Seigneur des Miracles. C’est à lui que sont dévotes toutes les personnes habillées de mauve que l’on croise ces jours-ci dans tous les recoins de la ville. Jeunes, vieux, hommes, femmes, certains trimbalent même des croix grandeur nature le long du périphérique assourdissant, isolés dans leur acte de dévotion comme s’ils étaient en plein désert.

Il faut bien reconnaître que ce brave Señor de los Milagros a de quoi impressionner, peint sur un mur au XVIème siècle par des esclaves angolais, son image aurait résisté au terrible séisme de 1655 qui ravagea Lima et déclencha par conséquent son culte, qui ne fit que prospérer au cours des siècles vu le succès indéniable des tremblements de terre dans la région. Tout particulièrement en octobre.

Luis, le chauffeur de taxi attitré de La Reine l’avait prévenue au début du mois : « Les tremblements de terre vont recommencer, señora !». En bons européens tintés de cartésianisme cela nous avait semblé bien folklorique. Croyez-y ou pas, depuis le début du mois il y a eu au Pérou 12 secousses entre 4 et 5 degrés d’intensité, une tous les 2 jours.

Le mauve n’est pas une couleur qui me va très bien, mais l’année prochaine je m’achèterai peut-être un petit truc morado début octobre.

mercredi 15 octobre 2008

Déserts



Nous revenons de passer quelques jours dans le désert. Une forme d’hommage intime à Le Clezio, au Petit Prince ou à Capdevielle peut-être qui ont tous trois, et sur des modes différents marqué ma jeunesse. Plus simplement, je crois, un attrait irrésistible que cet espace si vide où l’on se sent si plein exerce sur moi.




Pour aller dans le désert il suffit de quitter Lima. Dans cette ville trépidante de plus de 8 millions d’habitants, au climat humide et grisâtre, à l’urbanisation sauvage et galopante, on oublie très facilement de se trouver en plein désert, pourtant il s’agit après Le Caire de la plus grande ville au monde construite dans le désert.

En ville cependant pas un grain de sable, le jaune n’existe que sur les taxis les plus officiels et le soleil ne se voit jamais, mais si on prend la direction du sud, ou du nord, après quelques interminables kilomètres au milieu de périphéries miséreuses, les baraques des derniers arrivants s’espacent lentement, leur densité ne suffit plus à recouvrir chaque mètre carré de terrain en une accumulation cubique, elles finissent par se concentrer sur la bande côtière et le sable apparaît. Pour ne plus disparaître.



Le désert surgit aussi soudainement que la ville, les tous derniers abris de fortune sont de frêles constructions de tôle et de carton plantées dans le sable des premières dunes. Puis c’est le désert. Comme tous les déserts, un désert habité. Des femmes et des enfants, surgis de nulle part, attendent patiemment sur le bord de l’autoroute un autobus qu'eux seuls parviennent à identifier parmi les dizaines qui parcourent en tous sens la Panamericana. Des groupements de baraques fantomatiques et multicolores trônent au milieu de plaines infinies. Un homme absorbé, marche, le long de la route, vers Dieu sait où dans un espace soudainement devenu immense. Sur des centaines de kilomètres ce paysage s’enchaîne, monotone et fascinant à la fois.




Quand on rentre à Lima, on revient du désert, et cela semble aussi irréel que si on rentrait d’une balade sur la lune.





jeudi 2 octobre 2008

Les hasards d’une conversation

Retranscription d’une de mes conversations quotidiennes avec les habitants de cette terre.


Avis au lecteur : L’auteur de ces lignes prie le lecteur de lui pardonner l’absence, dans la version espagnole, de didascalies dont la formulation demeure totalement hors de sa portée. L’auteur précise en outre que le texte espagnol est le plus fidèle possible à son souvenir et à sa qualité d’expression et demande donc l’indulgence d’un hypothétique lecteur hispanophone.


Scène 1
Hector : Concierge ; Don J. : un locataire
18.00 heures ; dans un hall d’immeuble

Don J. : ¿ Hector ?
Don J. (à la cantonade en sortant de l’ascenseur) : Hector ?
Hector : ¿ Señor?
Hector (surgissant du garage) : Monsieur ?
Don J. : Hector, se puede que en los proximos dias llega un paco para me
Don J. : Hector, il est possible que dans les prochains jours arrive de la came pour moi.
Hector : ¿ un paco Señor?
Hector (étonné) : de la came, Monsieur ?
Don J. : si, un paco, de francia
Don j. : oui, de la came, de France
Hector: ¡ Aaah, ya, un paquete!
Hector : Aaah, d’accord, un colis!
Don J. : no, mas grande, un paco
Don J. : non, plus grand, de la came
Hector: no se usa esta palabra señor… paco es otra cosa…un paquete, se dice paquete
Hector (un peu gêné): n’utilisez pas ce terme Monsieur … ça signifie autre chose… "un paquete", on dit "un paquete".
Don J.: Ah?! Y cosa es…euh… " paco " ?
Don J. (perplexe) : Ah ?! Et qu’est-ce que c’est… euh… " paco" ?
Hector accomplit un geste furtif et équivoque, vaguement vulgaire.
Don J. quitte la scène en se congédiant avec un rire forcé.

* * *

Scène 2
Don J. ; dans la rue

Don J. (à voix haute) : une fellation !? Une fellation !?...