samedi 29 novembre 2008

Mariposas

Papillons. Que dire de plus...

jeudi 20 novembre 2008

Sleeping with Bush


Demain soir en allant me coucher, si j’avais regardé par ma fenêtre, j’aurais peut-être pu apercevoir votre profil derrière une des vitres de l’hôtel Marriot qui se trouve juste en face de mon lit. Il est vrai que vous êtes encore important si j’en crois le déploiement de policiers et militaires en tous genres qui ont bouclé le quartier, obligeant Principessa à renoncer à monter sur son vélo à force de devoir éviter les barrières et les chiens. Toutefois vous n’avez peut-être pas fait suffisamment de conneries à l’échelle planétaire car votre existence est loin d’être une évidence aux yeux d’un enfant, comme Ze King par exemple : « Mais c’est qui Bush ? » « Le président des Etats-Unis » « c’est pas Obama ? » « … » .

Demain soir en allant me coucher j’aurais peut-être pu vous écouter ronfler, mais franchement j’ai mieux à faire. Demain, quand vous arriverez dans votre hôtel que vous avez fait vider de tous ses employés, je serai moi aussi à l’hôtel. A Arequipa, la ciudad blanca, à plus de mille kilomètres dans le sud du Pérou, et samedi quand vous prendrez la parole pour une de vos dernières interventions internationales, je ne pourrai pas vous écouter car je serai à Chivay, dans le canyon le plus profond du monde.

Goodbye Mr Bush.

vendredi 14 novembre 2008

Présence vs Absence


Elles sont là, merde ! Elles sont là comme presque tous les matins, au carrefour de Velasco Astete et Camino del Inca. Et le feu passe au rouge, merde ! Elles sont là et je panique à l’idée qu’elles approchent. Elles vont le faire, elles le font toujours quand elles ont terminé leur petit numéro. Pourtant pas moyen de changer de chemin, il me faut passer par là pour rentrer après avoir déposé Ze King et Principessa à l’école. Elles ont bien calculé leur coup, elles savent que le feu est long et qu’elles auront le temps d’agir.

Elles sont là. Trois filles. La plus grande n‘arrive même pas à la hauteur de la vitre de mon carro. Dès que le feu passe au rouge elles se placent devant les voitures ; la plus frêle, si il est possible d’établir une hiérarchie sur cette base, monte sur les épaules des deux autres et jongle quelques instants avec des fruits indéterminés tant ils sont grisâtres. Cinq tour dans un sens et cinq tours dans l’autre, je les compte presque tous les matins car je redoute l’instant où ces boules auront fini de tournoyer.

Impossible de ne pas regarder. Dans les voitures, les regards embrumés du matin sont comme hypnotisés par ces fruits qui virevoltent et semblent suspendre le temps un instant. Impossible de ne pas voir non plus la poupée crasseuse abandonnée par l’une d’elle le long du trottoir dans l’attente du retour de sa maîtresse entre chaque flot de voitures.

Elles accomplissent leur travail machinalement, les deux d’en bas ont les yeux dans le vide et la bouche au niveau des pots d’échappement. Celle d’en haut jongle sans expression, accomplissant des gestes mécaniques. Leur triste pyramide se détache sur le fond d’un grand panneau publicitaire, de l’autre côté de la rue, qui incite à ne pas encourager la mendicité infantile. L’ont-elles jamais lu ?

Elles ont fini, elles arrivent. Elles étaient là et d’un coup elles n’y sont plus. Dans les voitures tous les regards se détournent à l’unisson. Elles sont là. Je ne sais pas quoi faire. « Por favor ! ». Des yeux qui ne disent rien mais qui jugent tout. Je ne sais pas quoi faire. « Por favor ! ». J’espère lâchement que le feu va passer au vert et que je pourrai m’élancer en faisant ronfler le moteur. Lâchement. « Por favor ! ». Parfois je donne un sol, parfois je regarde fixement le panneau de l’autre côté de la rue, je ne sais jamais quoi faire.

Je me sens toujours épuisé après ce maudit carrefour, je sens l’incendie de mes nerfs se consumer lentement en une sale braise qui met du temps à s’éteindre. Derrière moi par contre le feu est redevenu rouge et je les vois se diriger vers le centre de l’avenue dans le rétroviseur.

Je sais que ma journée commence maintenant. Que Ze King écoute sa maîtresse et que Principessa joue avec ses copines.

Et je sais que demain, même si elles n’y sont pas, elles seront là.

jeudi 6 novembre 2008

El Registrador

3 Epilogue

Après une nuit agitée et avec une certaine angoisse tempérée toutefois par notre détermination, nous prîmes donc la direction de la demeure de El Registrador. Visiblement nous n’étions pas les seuls à avoir eu cette idée, plusieurs dizaines de personnes se croisaient, formant des files qui nous semblaient aléatoires, au milieu d’un grand hall présidé par plusieurs gardes armés. Un peu intimidés nous nous approchâmes d’un guichet. Pendant que nous faisions la file La Reine avait engagé une conversation animée avec un garde armé qui s’était révélé appartenir à l’immense famille élargie, aux ramifications planétaires, dont La Reine fait également partie.

Je réfléchissais encore sur la constance de cet événement quelle que soit la partie du monde dans laquelle nous nous trouvions quand notre tour arriva, une femme assise sur un tabouret à côté d’un grand bureau semblait être, contrairement aux apparences, la personne en mesure de nous renseigner, aucun de nos prédécesseurs dans la file n’avait en effet sollicité l’homme qui trônait quant à lui dans une solitude magistrale derrière l’imposant bureau. Agités comme nous l’étions nous nous lançâmes dans des explications embrouillées et confuses, mélangeant les démarches entreprises, les refus consécutifs et les langues employées pour raconter tout cela. La femme nous écoutait, mystérieusement absorbée en elle-même, elle nous interrompit brutalement et commença les yeux mi-clos, une longue psalmodie dans laquelle elle répétait inlassablement toute les étapes de notre calvaire comme pour mieux s’en imprégner. La tête légèrement inclinée, le regard absent et fixe sur un point qu’elle seule pouvait discerner dans l’hyperespace de la galaxie administrative dans laquelle nous avions glissé elle ressassa pendant un temps qui nous sembla infini toutes nous démarches et au moment où nous pensions être tombés sur une folle elle nous délivra son oracle, qui comme tous les oracles résulta incompréhensible, un galimatias de noms de famille incorrects. Nous nous acharnions à lui répéter que le problème n’était pas sur les noms mais sur les documents, rien à faire, elle repartait systématiquement dans son délire, refaisant dans sa transe toute la genèse de l’histoire et je commençais à perdre dangereusement la patience.


Aussi lessivés qu’après une séance de spiritisme qui nous aurait mis en contact avec les mystères insondables de l’expérience administrative, nous nous retrouvâmes munis d’un ticket pour aller commencer une autre queue à un autre endroit de la salle.


Eberlué, sentant l’inexorable dénouement se resserrer sur nous, je me dirigeai mécaniquement vers une autre file lorsqu’un léger sifflement attira notre attention. Le garde armé, cousin éloigné de La Reine, nous avait rattrapé et nous glissa discrètement un autre ticket tout en nous indiquant le coin des avocats, une série de bureaux alignés que j’avais remarqués en entrant, dont le rôle était de venir en aide aux désespérés dans notre type. Une sonnerie retentit et en levant les yeux je remarquai qu’il s’agissait de notre numéro. Le garde armé nous adressa le plus clanique des sourires et nous poussa en direction d’une avocate en train de siroter un thé, nous venions tranquillement de passer devant une vingtaine de personnes qui attendaient depuis je ne sais combien d’heures.

Celle-ci nous écouta remâcher une fois de plus notre histoire, mis quelques coups d’agrafeuse à droite et à gauche dans la masse de documents que nous avions accumulés et nous dit avec l’air le plus tranquille du monde que nous allions rencontrer El Registrador. Je n’en croyais pas mes oreilles et j’avoue avec un peu de honte maintenant que les larmes me montèrent presque aux yeux. Mais, ajouta-t-elle, il est peut-être parti puisqu’il est midi. Où le voir, Mademoiselle je vous en prie. Si vous voulez le voir, il vous faudra sortir par la grande entrée, laisser sur votre droite la première porte, contourner l’angle jaune et franchir la barrière du garde terrible avant le douzième coup de midi, sinon, il faudra revenir demain, et tout recommencer pensai-je.

Nous nous précipitâmes une fois de plus, et parvînmes essoufflés devant un jeune garde au regard d’acier qui me sembla tout droit sorti de La Nuit du chasseur avec ses doigts tatoués. Il inspecta nos papiers sans daigner répondre à nos questions frénétiques pour savoir si sa Majesté El grande Registrador se trouvait encore là. Finalement il nous laissa passer, nous enfilâmes un immense couloir ; second contrôle, cette fois-ci une employée recopia toutes les données de nos papiers. Des arcades donnaient sur le couloir et on pouvait distinguer des ombres fuyantes qui passaient. Nous étions dans la demeure de El registrador, où se trouvait son bureau ? Comment était-il ? Je ne savais même plus à quoi m’attendre tellement j’étais tendu.

A notre plus grande surprise l’employée nous conduisit alors vers un petit bureau que nous n’avions même pas noté dans notre dos. Le toit était bas, dans une première pièce carrée se trouvait une secrétaire qui transcrivait à la vitesse de la lumière des lettres manuscrites sur ordinateur. Par une porte on entrevoyait une salle rectangulaire et grisâtre dans laquelle des bureaux étaient soigneusement disposés et sur lesquels travaillaient des jeunes gens. L’employé approcha une chaise d’un bureau et nous fit signe d’attendre. Tout cela ressemblait aux prémisses d’un interrogatoire, nous étions coupables, j’en étais maintenant convaincu et je me serai amendé de n’importe quoi pourvu que cette histoire finisse.

Soudain un jeune homme se leva dans la salle et se dirigea vers nous, il n’avait même pas la trentaine, un peu enrobé, il enleva les écouteurs de son i-pod et nous tendit la main : « buenos dias, soy el registrador, que passa ? »… Quoi ? Cet étudiant à peine diplômé, avec ses écouteurs, se doutait-il seulement de ce qu’il déclenchait avec ses sentences ? Je ne pouvais ouvrir la bouche, la secrétaire continuait son cliquetis infernal et La Reine me regardait prête à éclater de rire. Il nous expliqua très simplement que puisque les noms de famille ne correspondaient pas il ne pouvait pas valider la transaction mais que comme nous avions un document hautement officiel de l’Ambassade, alors il n’y avait plus de problème, dans deux jours tout serait en ordre, il n’y avait qu’à repasser pour chercher ces documents bénis : «Et voilà ! Mucho gusto y hasta luego » .

Quelques instants plus tard nous étions dehors, incrédules, nous avions réussi ! Nous nous serions sans doute livrés à de grandes embrassades et seule la pudeur nous retint. Tout avait été si simple, incroyable ! Nous rentrâmes fiers comme des héros de retour du front. Nous comprîmes aussi après coup que la voyante de la salle d’attente avait bien prédit la vérité dans son délire, le problème concernait les noms plus que les pièces d’identité présentées…Mais quelle importance maintenant ! Ah ! Ah ! Nous avions vaincu El Registrador, la raison avait triomphé de l’irrationnel apportant ses lumières là où régnait l’obscurantisme bureaucratique. Le soir, épuisés psychologiquement nous nous écroulâmes et je dormis enfin d’un sommeil de plomb, réparateur : le cauchemar était fini.

Deux jours plus tard, en allant retirer les documents de ce que nous pouvions finalement appeler notre carro, nous découvrîmes que nous avions été rebaptisés dans un affreux mélange des noms de famille et de prénoms mis en commun puis tirés au sort.

Et il fallut recommencer, mais ça, c’est une autre histoire…