vendredi 29 mai 2009

Il pleut sur Lima

Il pleut sur Lima
la grisaille pèse sur la ville
Il pleut sur Lima
une vague crache son écume
Il pleut sur Lima
quelqu’un vaporise depuis là-haut
dans la Sierra
Il pleut sur Lima
et le nom scientifique est
garúa

De la buée brillante
sur les trottoirs
comme un parquet bien ciré
Une fumée transparente
de la cendre mouvante
une constellation sur les vitres

Des gouttes ?
Dans le nez de Principessa, enrhumée
Des gouttes ?
De Pisco Sour sur une table mal réveillée
Des gouttes ?

Il ne pleut jamais
sur Lima

vendredi 22 mai 2009

Polvos azules

La première fois que j'ai entendu ce nom si poétique, Poussières bleues, j'ai eu du mal à l'associer à la réalité qu'il était censé représenter d'après les propos de mon interlocuteur, un chauffeur de taxi enthousiaste. Le lieu, autant que l'image, m'ont longtemps fasciné avant que, familiarisé un peu avec Lima, je décide de m'y rendre. Pour cela il faut emprunter la Via expressa, une sorte d'autoroute située dans un fossé qui taille la ville en deux, dictant la dénomination est ou ouest aux grandes artères selon qu'elles se trouvent à droite ou à gauche du lit de ce flot continuel de véhicules.
Polvos azules se trouve à la fin de la Via expressa, en arrivant dans le centre, à la limite des zones définies fréquentables, quelques rues derrière commence La Victoria, un quartier où contrairement à son nom, on peut tout perdre très vite. De bleu, la couleur de l'édifice, un grand bloc à mi-chemin entre le centre commercial et le parking souterrain; de la poussière il y en aussi, sous forme de suie déposée par la pollution; de féérique à l'image du nom, rien. Ici ce n'est plus la vie artificielle des beaux quartiers, les odeurs de nourriture cuisinées dans la rue sont insistantes, le bruit de la circulation assourdissant, la saleté est bien perceptible et moi aussi au milieu de cette population où le blanc fait tache.
Il faut d'abord s'enfoncer dans le dédale de galleries débordant de vêtements et chaussures pour arriver à ce que l'on cherche au sous-sol et qui fait la réputation du lieu. Polvos azules est en effet le plus grand marché bleu du film pirate en Amérique du sud. Des dizaines de stands se succèdent sur fond d'extraits de films, de bandes-annonces, de musiques crachés à plein volume pour créer une cacophonie filmographique. On trouve tout à Polvos azules dit la légende, et c'est assez proche de la réalité, la plupart des stands proposent des catalogues très professionnels: nouveautés, blockbuster, dessins animés... d'autres sont spécialisés: classiques, séries, X, jeux vidéos...Une petite société gravite autour de cette activité illégale, certaines allées sont consacrées aux éditeurs de jaquettes, d'autres aux revendeurs de DVD vierges, mais pour acheter des boitiers il faut changer de stands.
Quand on est là, il n'y a qu'à faire son marché, la qualité est généralement très bonne et garantie sur remboursement si vous êtes capable de retrouver le stand où vous avez fait vos achats. Ayant épuisé notre dernière cargaison nous y avons fait un tour ce matin avec La reine. On se laisse vite déborder, entre tous les films qu'on a ratés pour une raison ou une autre au cinéma, le désir de La Reine de revoir des Fellini, l'envie subite de me faire à nouveau la première saison des Soprano, quelques films pour les enfants, et ça on l'a jamais vu...bref on est ressorti avec 48 films. Pour 40 euros, le prix de deux en Europe, et encore, en promotion. Bien sûr tout cela pose un tas de questions éthiques, culturelles, économiques mais une chose est sûre, à ce prix là, le Pérou n'est pas prêt d'avoir une loi Hadopi. Non croyez-moi, le vrai problème c'est plutot de trouver le temps de tout voir.

vendredi 8 mai 2009

Petite géographie portative

Je suis souvent désorienté par ce pays où la Côte d'Azur se trouve à l'extrême nord, où les éternels ennemis de cent ans et plus vivent au sud, où quand on parle de fôret on entend tropicale, où la plage est un désert - un vrai et au sens propre, où les routes de montagnes passent par des cols bien plus hauts que le Mont Blanc, où le patois est du quechua, où les chèvres sont des lamas, où la capitale est bordée par un océan qu'on ne voit pas pendant la moitié de l'année, où le long de la côte la pluie ne tombe jamais droit mais stagne horizontale, où nous continuons à vivre après un an comme des explorateurs.