vendredi 11 septembre 2009

VRAE

Valle de los rios Apúrimac y Ene. On utilise peu de sigles au Pérou, les surnoms y sont beaucoup plus fréquents pour désigner aussi bien les personnes, les lieux que les administrations. Pourtant celui-ci est un des rares qui occupe en permanence les débats politiques et journalistiques ces derniers temps. C’est que pour une fois le Pérou est premier. Toutes les statistiques et études internationales viennent en effet de consacrer le Pérou comme premier producteur mondial de cocaïne. La lutte est serrée avec la Colombie qui conserve le titre de premier exportateur mondial, mais de peu, et vu l’inertie politique locale il y a fort à parier que le Pérou remportera cette nouvelle couronne la saison prochaine.

Cette victoire, le Pérou la doit essentiellement à une région difficile d’accès dans la sierra centrale, sur le versant amazonien : la Valle de los rios Apúrimac y Ene précisément qui a su en quelques années devenir la région du monde avec la plus forte production de feuille de coca par Km2. Il faut tout de même avouer que cette zone n’a pas eu a faire trop d’efforts, elle cumulait scandaleusement tous les avantages : climat parfait pour la culture de la coca, isolement géographique, abandon total des pouvoirs publics, abri des derniers senderistes, taux de pauvreté et d’analphabétisme record et désintérêt général pour le destin de ses habitants. Avec autant de facilités, triompher n'a aucun mérite vraiment. Ainsi, pendant que les Américains concentraient tous leurs efforts en Colombie, le VRAE travaillait avec discrétion pour porter enfin le Pérou sous le feu des projecteurs, à la place qu’il mérite de l’avis de tous ses dirigeants: la première. Sauf que maintenant qu’ils sont premiers, ils ne sont plus contents du résultat les dirigeants, faudrait quand même savoir ce qu’ils veulent.

Education, cultures alternatives, militarisation, pacte éthique, les mots virevoltent mais personne ne sait vraiment quoi faire pour endiguer le phénomène. La zone échappe complètement au contrôle de l’état, elle est devenue le repère de ceux qu’on appellent ici les narco-terroristes, anciens de Sendero Luminoso reconvertis dans le trafic juteux de drogue avec un vague idéal marxiste pour couverture. La région est sous leur contrôle, mafias colombiennes y mexicaines y font leur marché, on hésite à déplier l’armée pour ne pas réveiller les démons des années 80 et le spectre d’une radicalisation de la violence "à la mexicaine" terrifie tout le monde. Le mot conflit est tabou, pourtant plus de 50 militaires et policiers y sont morts en un an et un hélicoptère y a été abattu ces derniers jours.

Bien sûr le Pérou n’est pas la Colombie et la chronique de Lima n’a rien à voir avec celle de Ciudad Juarez ; comme toujours, la capitale est bien loin de tout ça mais il n’en reste pas moins que le VRAE a fait accéder le Pérou à la notoriété internationale et pour une fois, personne n’en est fier.

Heureusement la semaine dernière une nouvelle victoire est venue redorer le blason du pays : le Pérou est en tête du classement mondial pour la falsification des dollars américains.

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